Michel Gondry et les films de super-héros : l’expérience de Green Hornet, ce qu’il pense de Batman…
December 27, 2019 | News | No Comments
A l’occasion de la promotion de Microbe et Gasoil, Michel Gondry s’est prêté à quelques confidences sur l’expérience de Green Hornet, et plus largement sa vision des films de super héros, ou encore sur le statut culte d’Eternal Sunshine…
AlloCiné : Vous avez dit de Microbe et Gasoil qu’il s’agissait d’un croisement entre Mad Max et Les Fous du volant !
Michel Gondry, réalisateur : Oui, c’est une formule ! C’est plutôt la voiture qui est au croisement de Mad Max et des Fous du volant. J’aimais beaucoup Les Fous du volant quand j’étais enfant, avec ses voitures tordues, bricolées… Il y avait une inventivité et une folie qui me plaisait beaucoup. Et Mad Max, c’est une formule : c’est un peu pour contrecarrer et donner une sensation de vitesse, qui en fait n’existe pas.
Ange Dargent, l’un des comédiens de Microbe et Gasoil, nous a dit de vous que vous étiez un “Peter Pan vivant” ! Vous l’a-t-il déjà dit et qu’est ce que cela vous évoque ?
Alors c’est marrant qu’il m’appelle un Peter Pan vivant parce que j’ai un souvenir très précis d’une projection test aux Etats-Unis de Eternal Sunshine. A un moment donné, la salle a commencé à critiquer le film… Quand on fait des projections test, les dix premières minutes sont très enrichissantes. Puis après, quand on donne au spectateur trop le temps de réfléchir, il commence à jouer au critique de cinéma. Finalement, le film se retouve complètement détruit car chacun a une idée négative. Je suis monté sur scène et j’ai commencé à défendre le film. Après, Charlie Kaufman, le scénariste du film, m’a décrit comme étant un croisement entre Peter Pan et Mussolini !
Justement Eternal sunshine of the spotless mind… On a l’impression que c’est vraiment devenu un film culte. Vous en parle-t-on encore beaucoup ?
On m’en parle toujours de ce film… A chaque fois les gens viennent et me disent : j’aime beaucoup votre dernier film, mais quand même, mon préféré est Eternal Sunshine… Donc c’est presque un boulet (sourire).
Avec le temps, j’ai presque l’impression qu’il ne m’appartient plus, de ne pas l’avoir fait. C’est vrai qu’ee 10 ans -ça fait 11 ans qu’il a été tourné-, il a grandi dans l’esprit des gens, D’ailleurs je pense qu’il y a très peu de gens qui l’ont vu en salles. Les 9/10e ont dû le voir en DVD, puis en VOD, mais au niveau sentimental, il a trouvé un écho dans une génération un peu plus jeune que la mienne… Ca fait toujours plaisir.
Les gens se sont retrouvé dans ce film, il y a des couples qui se sont formés ou re-formés en voyant le film. Ma réputation est plutôt liée à Eternal Sunshine, et je survis au niveau financier grâce à Green Hornet. C’est assez paradoxal.
Ma réputation est plutôt liée à Eternal Sunshine, et je survis au niveau financier grâce à Green Hornet. C’est assez paradoxal.
Encore aujourd’hui ?
Ah oui oui. Je n’ai pas un train de vie délirant du tout, loin de là, ce qui fait que le salaire que j’ai gagné sur Green Hornet me permet de vivre sans me soucier de ce que je vais faire comme prochain film, en choisissant vraiment ce que j’ai envie de faire.
On sait que vous avez un souvenir un peu contrasté de Green Hornet, mais ça vous permet aujourd’hui de faire des films peut être un peu plus personnels. Est-ce que vous vous dites que vous pourriez refaire un film comme Green Hornet pour vous permettre après de faire des projets plus personnels?
C’est marrant parce que, d’une certaine manière, je me dis, je ne ferais plus jamais un film de super héros, et je rêve très souvent que je rencontre Seth Rogen et que je lui dis : allez, on fait Green Hornet 2 ! Mais si j’en refaisais un, j’essayerais vraiment d’imposer plus mes idées et d’être plus créatif et d’être plus délirant, parce que finalement ils ont essayé de ratisser large au niveau du public qui est très jeune, et on aurait pu aller beaucoup plus loin dans les idées, dans le côté inventif…
On cherchait trop à plaire à tout le monde
Green Hornet, c’est un projet que j’avais commencé à écrire 10 ans auparavant et la première version n’avait rien à voir avec ce qu’on a tourné. Elle était complètement délirante ; elle était mystique, et je pense qu’elle aurait mieux marché que cette version où là on cherchait trop à plaire à tout le monde.
Donc vous pourriez le refaire en ayant tout ça en tête, refaire un film de super héros en apprenant de ces erreurs si l’on peut dire ?
Je ne crois pas que je pourrais faire un film de super-héros parce que c’est très très codifié maintenant. Il y a un côté heroic fantasy, il y a plein de codes, et puis il y a le style Christopher Nolan, très noir, très sombre. Moi je suis beaucoup plus de la génération qui a aimé les Batman de Tim Burton, où il y avait vraiment un côté poétique et magique que les fans de super-héros détestent. Donc je ne sais pas si je serais la personne bien choisie.
Il y a un peu des cycles : assez sombre avec Nolan, plus pop et “fluo” avec Schumacher, plus sombre avec Burton encore avant… Il pourrait y avoir un nouveau cycle…
Non, je ne suis pas d’accord avec vous. Je pense que ce qu’il s’est passé, c’est que Tim Burton a réinventé le personnage. Il l’a fait dans son style qui était un peu plus un conte magique, avec un côté très original et très bizarre, ce qui était son univers. Ensuite, peut être qu’il est allé trop loin dans ce sens là, et ils ont passé le projet à Joel Schumacher qui a fait un truc limite vulgaire, et ça je crois que ça a dégouté les gens. Et après, Christopher Nolan a repris la noirceur de la bande-dessinée originale, c’est pour ça que ça a eu un succès énorme. Mais moi je ne m’y retrouve pas ; d’ailleurs, je détestais ce type de BD. Mon grand frère adorait lire tous les super-héros. Moi, j’étais Gaston Lagaffe, Spirou, Fantasio, la bande-dessinée belge, ou alors Hara-Kiri.
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Vous avez travaillé sur une adaptation d’Ubik de Philip K. Dick. Le projet est-il définitivement abandonné, ou dans un coin de votre tête, vous vous dites que c’est toujours possible ?
Non, je ne crois pas que ça se fera Ubik avec moi. C’est-à-dire que c’est un projet que je devais tourner juste après L’Ecume des jours, et c’est un livre culte aussi. J’ai eu un petit peur. C’était une histoire pas très construite dans le livre ; il fallait vraiment trouver une narration plus solide et je ne me sentais pas capable de le faire, donc j’ai abandonné.
“Michel Gondry est un Peter Pan vivant !” : Microbe et gasoil vu par son équipe
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Propos recueillis par Brigitte Baronnet à Paris le 2 juillet 2015