En Tunisie, la pratique du pouvoir a-t-elle fait évoluer Ennahdha ? Deux responsables du parti répondent

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En 2019, le parti d’inspiration islamiste Ennahdha a gagné les législatives avec 52 sièges (sur 217), ce qui lui permet de revendiquer le poste de Premier ministre. Mais cette victoire est en trompe-l’œil. En 2011, lors des élections à la Constituante, il avait obtenu 89 sièges. Depuis, il n’a cessé de baisser : en 2014, il n’avait plus que 69 députés. Aujourd’hui, où en est cette formation, autorisée seulement en 2011, et qui depuis 2016 dit ne plus avoir de lien “avec la prédication religieuse”, mais suscite encore souvent la méfiance sinon les passions ? La pratique du pouvoir (2011-2014, 2015-2019) l’a-t-elle fait évoluer ? Eléments de réponse avec deux responsables nahdaouis que franceinfo Afrique a rencontrés à Tunis.Zied Ladhari, ministre et secrétaire général d’EnnahdhaAvocat de formation, Zied Ladhari, 44 ans, a été élu député en 2019 dans la circonscription de Sousse (146 km au sud de Tunis). Il est secrétaire général du parti et ministre du Développement et de la Coopération internationale. Selon la presse tunisienne, il est l’un des candidats favoris du parti pour devenir Premier ministre. Fin et réservé, il n’en laisse rien paraître. Il ne sait pas moins manier avec beaucoup d’aisance la langue de bois à l’heure où commencent des discussions serrées entre Ennadha et d’autres formations représentées au Parlement pour constituer une coalition.Saïda Ounissi, ministre et membre du bureau exécutif d’EnnahdhaAgée de 32 ans, Saïda Ounissi, élue députée de la circonscription France-Nord (dans l’Hexagone) et membre du comité exécutif d’Ennahdha, a vécu 20 ans en France, où son père avait dû fuir la répression du régime de Ben Ali en raison de ses activités islamistes. Elle y a étudié l’histoire et les sciences politiques. Plus jeune ministre du pays en 2018, cette personnalité brillante et souriante ne pratique pas la langue de bois. Et répond aux questions sans détours.
Comme son collègue Zied Ladhari, elle rappelle que son parti est né dans l’opposition à la dictature. Et qu’il “avait alors une vision de l’Etat qui n’était pas en harmonie” avec ce que l’on connaît aujourd’hui. “Après la révolution, il a compris que le seul cadre du pouvoir était l’Etat-nation, mis en place par Bourguiba, réplique de l’Etat jacobin français.” Manière de dire que la formation islamiste a beaucoup évolué sur ce point…Nous restons fidèles à la Constitution. Il n’y a donc pas de raison de parler de trahisonSaïda Ounissià franceinfo Afrique“Après 2011, nous avons été au pouvoir” de décembre 2011 à janvier 2014 et de février 2015 à 2019. Soit près de sept années. “Depuis 2016 (et l’effacement progressif du parti “laïc” Nidaa Tounès en raison de querelles internes, NDLR), nous avons assuré au gouvernement un semblant de stabilité, quand Béji (le président sortant Béji Caïd Essebsi, NDLR) a choisi son fils au détriment du pays. Je peux presque dire que nous avons porté la culotte ! La question est alors de savoir si nous ne nous sommes pas compromis avec la Realpolitik. Là, je n’ai pas de réponse. Je dirai simplement que nous sommes tributaires de la façon dont fonctionnent les institutions.” Saïda Ounissi se sent fière de son action au ministère. Notamment d’avoir réformé la formation professionnelle.Et que répond Mme la ministre à ceux qui s’impatient dans les régions défavorisées et ne votent plus Ennahdha ? “Je leur donne un exemple de mon action au ministère. Ainsi, entre le moment où l’on prend la décision d’installer un centre de formation dans une petite bourgade et sa réalisation effective, il faut cinq ans pour que les choses se mettent en place. Pour qu’un jeune puisse commencer à étudier.” Conclusion : “Il faut faire de la pédagogie. Nous n’avons pas assez fait l’effort d’expliquer” notre politique. Apparemment, il aurait peut-être aussi fallu être plus proche des citoyens : “Les gens ont besoin qu’on les écoute.” Je me sens bien au sein d’Ennahdha. Ce serait injuste de dire le contraireSaïda Ounissià franceinfo AfriqueEst-ce difficile d’être une femme à Ennahdha ? La réponse fuse : “C’est difficile d’être une femme en politique en Tunisie où la femme est souvent considérée comme un filet social ! Mais c’est peut-être encore plus difficile vis-à-vis de l’extérieur quand on est membre de ce parti : il faut continuellement montrer patte blanche !” Et ce alors même que son parti, qui se définit comme conservateur, est par exemple opposé à l’égalité pour l’héritage entre homme et femme ? Là encore, la réponse est sans détours. “Le projet de loi sur ce thème était un effet d’annonce. C’est une fausse question ! Il faudrait d’abord commencer par respecter la loi actuelle. Aujourd’hui, lors des héritages, 99% des femmes n’arrivent pas à obtenir leurs titres de propriété. Même au sein des familles progressistes.”Click Here: Cheap FIJI Rugby Jersey

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