Compréhension de la schizophrénie : lancement d'une vaste étude
May 8, 2020 | News | No Comments
De multiples explications ont déjà été avancées pour expliquer la survenue d’une schizophrénie ou d’un trouble psychotique : terrain génétique, consommation de cannabis, traumatismes, etc. Afin d’en savoir plus, une grande étude européenne débute en juin 2010, sous l’égide de la fondation FondaMental.
Plusieurs études ont déjà tenté d’isoler les facteurs environnementaux favorisant la constitution d’un trouble psychotique. Ainsi il est démontré que le fait de grandir en ville plutôt qu’à la campagne double quasiment le risque pour les garçons de développer une schizophrénie (risque multiplié par 1,9 pour les garçons, 1,3 pour les filles). Mais le facteur de risque précis n’est pas connu : pollution urbaine ? Exclusion sociale plus fréquente ?
Le fait d’être un migrant, de venir d’un autre pays majore également le risque de schizophrénie, à la fois par rapport à la population d’origine et par rapport à celle du pays d’accueil.
Le
cannabis, en particulier lorsqu’il est utilisé à forte dose chez les adolescents, augmente aussi le risque de schizophrénie. Cette augmentation est faible, mais vu l’importance de la consommation de cette drogue en Europe, ce risque faible devient un facteur majeur en termes de santé publique (voir notre article : “
Quand le joint monte à la tête…“).
Par ailleurs, les recherches montrent un lien entre l’existence de traumatismes durant l’enfance et la survenue ultérieure de troubles psychotiques. Là encore, malheureusement les maltraitances ou la négligence pendant l’enfance sont très fréquentes, d’où l’importance d’en savoir plus sur ces liens.
Enfin les études chez les jumeaux ont permis de constater qu’il y avait une vulnérabilité génétique particulière chez les personnes schizophrènes. Cependant cette vulnérabilité et les variations génétiques la sous-tendant n’ont pas encore été identifiées précisément, probablement en raison de l’interaction entre les différents facteurs de risques, génétiques et environnementaux : le terrain génétique altéré pourrait rendre la personne vulnérable aux autres facteurs, comme les traumatismes, le cannabis, l’urbanicité, la migration.
Il est donc nécessaire d’en savoir plus, en réunissant à la fois les chercheurs spécialistes de la génétique et ceux qui travaillent sur les circonstances environnementales. C’est l’objectif de la grande étude collaborative lancée début juin par la communauté européenne, avec un budget de 10 millions d’euros. En France, cette étude est placée sous l’égide de la fondation FondaMental et sera mise en place en ville (région du Val-de-Marne : Créteil, Boissy, Maisons-Alfort) et à la campagne (Puy-de-Dôme), afin de comparer l’impact des facteurs génétiques et environnementaux.
Les troubles psychotiques touchent de 2 à 3 % des adolescents et jeunes adultes, avec le plus souvent une évolution chronique et des traitements au long cours. Les personnes atteintes ignorent souvent leur pathologie, d’où un retard au diagnostic fréquent et un traitement insuffisant.
De plus ces personnes sont souvent stigmatisées (voir notre interview du Pr. Leboyer, présidente de FondaMental, et du Pr. Sartorius, Président de l’Association for the Improvement of Mental Health Programmes : “
Maladies mentales : mieux informer pour éviter la stigmatisation“) et ne sont donc pas une priorité de santé publique, alors qu’il s’agit pourtant de pathologies fréquentes, graves, touchant des jeunes et avec une prise en charge à vie.
Ce genre d’études peut permettre de faire avancer la connaissance de ces maladies, d’améliorer leur dépistage et donc de permettre une prise en charge plus précoce, plus adaptée. Les maladies mentales représentent la
première cause d’invalidité en France.
Jean-Philippe Rivière
Sources :
– “Lancement d’une grande étude européenne pour identifier les facteurs environnementaux et génétiques dans les troubles psychotiques“, fondation FondaMental, 15 juin 2010
– “Schizophrenia and the city: A review of literature and prospective study of psychosis and urbanicity in Ireland.“ Kelly BD et coll., Schizophr Res. 2010 Jan;116(1):75-89, résumé
accessible en ligne