Gafa : Comment Facebook est-il devenu un réseau social en perte de vitesse

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Après 18 ans à engranger sans cesse de nouveaux usagers, Facebook a perdu des membres pour la première fois de son histoire au dernier trimestre 2021.Une perte très mal reçue en bourse, puisque l’action de groupe Meta – auquel Facebook appartient –, chute de 25% à Wall Street ce jeudiFacebook est-il vraiment en déclin ?

Ce jeudi matin, Mark Zuckerberg, patron du groupe Meta (qui regroupe Facebook, Instagram et WhatsApp), a dû se réveiller avec une sacrée gueule de bois. Car les chiffres du dernier trimestre 2021 du  géant du numérique ont de quoi plomber le moral de son dirigeant. Le bénéfice net de Meta a reculé – un fait rarissime – de 8 % au quatrième trimestre par rapport à l’an passé, à 10,3 milliards de dollars. Le réseau social Facebook a quant à lui, perdu des utilisateurs pour la première fois de son histoire, après 18 ans d’existence. Et parce que les malheurs arrivent toujours en bande, l’action de Meta s’effondre de plus de 25 % ce jeudi à la bourse de Wall Street. De 320 dollars avant la clôture, l’action évoluait sous les 240 dollars à la mi-journée

Une soirée que tout le monde s’accordera à qualifier d’au minimum « bien pourrie » pour le réseau bleu. Mais selon Asma Mhalla, maître de conférences à Sciences Po Paris autour des enjeux politiques de l’économie numérique et spécialiste des Gafa, les mauvais résultats de Facebook – fer de lance de Meta –, n’ont rien de très surprenant : « Cela fait au moins deux ans qu’on observe une stagnation du nombre d’usagers sur Facebook, c’était certain qu’il allait finir par perdre des membres. »

Et les boomers envahirent Facebook

Pire encore, les usagers restants deviennent de plus en plus âgés. Et ça, pour un réseau social, c’est le drame : « La vraie cible, ce sont les jeunes. C’est plus rentable pour les datas, les publicités, les annonceurs. Plus vos usagers sont jeunes, plus vous avez de temps pour cibler leur profil et leur goût tout au long de leur vie et plus vos publicités marcheront sur eux. Les jeunes étaient d’ailleurs à la base, le cœur de Facebook, conçu initialement pour les étudiants », renseigne notre experte. En 2021, 36% des utilisateurs sur Facebook avaient plus de 35 ans, contre 25 % de 18-24 ans et 32 % de 25-34 ans. En comparaison, Instagram compte 31% de 18-24 ans et seulement 30 % de personne de plus de 35 ans. Chez les mineurs, c’est TikTok qui règne sur les cours de récré. Les moins de 18 ans ne représentent que 8 % des utilisateurs de Facebook dans le monde, alors que 38 % des Tiktokeurs sont âgés entre 13 et 17 ans (et 37 % ont entre 18 et 24 ans, soit trois quarts des utilisateurs compris entre 13 et 24 ans).

Pas le temps de tourner autour du pot pour Asma Mhalla : « Facebook devient un réseau de vieux, plutôt utilisé par les parents et les grands-parents que par les enfants ». L’occasion d’enfoncer le clou: « Ces tranches d’âges font fuir les jeunes, qui cherchent des espaces vierges de leurs aînés pour parler entre eux. C’est de là que vient la baisse d’usagers de Facebook : lorsque les jeunes ne viennent plus regonfler les effectifs, vous êtes condamné à perdre du monde tôt ou tard. »

Ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir poké

Que Mark Zuckerberg se console un peu, Facebook n’est pas mort pour autant et encore moins Meta. « Les résultats sont bien moins catastrophiques que la réaction boursière le laisse penser », nuance fortement Julien Pillot, économiste et enseignant-chercheur à l’Inseec Business School. Un bénéfice net qui recule, ça reste un bénéfice. Quant aux utilisateurs perdus par Facebook, après 18 ans de croissance continue, c’était inévitable relativise l’enseignant : « Toutes les ascensions ont une limite, surtout avec autant de nouveaux concurrents comme TikTok qui drainent une partie du public. » Facebook résiste même plutôt bien, puisqu’il n’a perdu qu’un million de personnes en un trimestre sur un total de… 1,930 milliard de membres. « Evidemment, la tendance est mauvaise et cette perte d’usagers en appelle d’autres, plus conséquentes. Mais de là à enterrer Facebook ou à perdre 20 % en bourse comme ce fut le cas, il y a surréaction », défend Julien Pillot.

Et parce que c’est important de ne pas se sentir seul lorsqu’on va mal, Facebook n’a pas le monopole de la chute en bourse, qui représente plutôt une tendance de fond dans le milieu de la tech en 2022. En un mois, l’action d’ Amazon a chuté de – 17,15 %, celle de Telsa de – 24,74 %. et celle de Netflix de – 29,36 %. Débandade générale qui s’explique « par les sommets de valorisation obtenus en 2020 et 2021 avec la crise sanitaire. Les investisseurs savent que les arbres ne montent pas jusqu’au ciel, que la cote baissera tôt ou tard et qu’il est temps d’engranger des bénéfices », selon l’économiste. Comprenez : ça vend en masse les actions, ce qui fait baisser les valeurs. La bourse a cette particularité du mimétisme : plus ça chute, plus ça va entraîner de ventes, plus ça va baisser encore.

Meta traverse assurément une mauvaise passe, et compte sur le Metaverse pour se relancer dans la course aux profits records et aux jeunes, cible perdue et indispensable pour rester dans le wagon de tête. « C’est un projet au long cours, qui peine à montrer des résultats pour le moment, mais aucune entreprise ne vit dans l’instant présent et toutes cherchent à conquérir les jeunes du futur », précise Asma Mhalla. Reste donc à voir si demain appartiendra encore à Mark Zuckerberg, et si ses réveils seront plus apaisés que ce matin.

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