La baie du Mont Saint-Michel suffoque sous le poids des petites moules

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Dans la baie du Mont Saint-Michel, 30 % des moules pêchées sont rejetées dans l’estran, en raison de leur taille trop petite.Ces moules « sous taille » entrent en putréfaction, ce qui attire les goélands en nombre et génère des odeurs nauséabondes.A Cancale, la société Mytilimer, qui regroupe environ 80 producteurs, a trouvé des débouchés, même si tout le monde n’est pas d’accord.

Un monde impitoyable. Dans la baie du Mont Saint-Michel, la moule est reine. Mais pas toutes les moules. Seulement celles qui respectent le diktat de l’AOP et son exigence de mesurer plus que quatre centimètres. Comme au concours de Miss France, celles qui sont trop petites sont d’office éliminées. Ce qui n’est pas sans poser problème. Arrachées par les bras mécaniques des bateaux des mytiliculteurs, les moules de Cancale sont ramenées à terre pour être triées. Les plus belles iront garnir vos assiettes. Les plus petites retourneront quant à elles dans l’estran où elles feront le bonheur des goélands… Mais pas des habitants. A Cherrueix, certains riverains doivent parfois fermer leurs fenêtres tant l’odeur de coquillage en putréfaction est nauséabonde. Ajoutez à cela les colonies de milliers de goélands et leurs déjections et vous comprendrez que le coquillage star n’a pas toujours la cote dans la baie.

Au pied de la Merveille, les pieux sortent péniblement de l’eau à marée haute. C’est ici, dans la grande machine à laver que grandissent les fameux coquillages que les touristes viennent consommer à la crème, à la marinière ou au curry. Ce que les visiteurs ne savent sans doute pas, c’est que les plus petits modèles croupissent au fond de l’estran. Un problème connu des mytiliculteurs​ et des autorités depuis des années mais qui ne semble pas remettre en question les pratiques. La société Mytilimer, qui exploite la moitié des 12.000 tonnes de moules vendues chaque année dans la baie, a peut-être trouvé une solution.

Avec la construction de sa nouvelle usine d’ici 2023 à Cancale, l’entreprise compte s’équiper d’un outil industriel lui permettant de valoriser ces « moules sous taille ». « Nous devons parfois les rejeter dans la baie pour un ou deux millimètres. C’est une aberration écologique. On le voit, l’estran est saturé à certains endroits », concède Christophe Le Bihan, cofondateur de Mytilimer.

Adepte de la course à pied, ce dernier reconnaît d’ailleurs être conscient de l’odeur dégagée par ces cimetières de coquillages sur le sentier côtier. En construisant une nouvelle usine pour un montant de 20 millions d’euros, sa société qui gère la marque La Cancalaise espère trouver des débouchés pour les plus petites moules du troupeau. « La chair sera vendue sous forme d’arôme pour l’industrie agroalimentaire ou pour la pêche récréative. Quant aux coquilles, elles pourront servir pour de l’alimentation animale, des bioplastiques ou pour le BTP. Il est important pour nous de ne pas nous enfermer dans un seul débouché », précise le patron du leader européen du secteur.

Cette initiative baptisée « Kerbone » est saluée par le monde économique et pourrait enlever une sacrée épine du pied des mytiliculteurs. Car les moules sous-taille représentent 25 à 30 % des coquillages pêchés dans la baie, soit plus de 3.000 tonnes qui viennent pourrir chaque année dans l’estran. Elle ne fait pas pour autant l’unanimité dans ce secteur sauvegardé. « Avant la mécanisation, les moules sous-taille représentaient 5 % des quantités vendues. Aujourd’hui, c’est plus de 30 % ! Ce que nous aimerions, c’est que ce taux baisse, que les producteurs diminuent leurs déchets à la source, comme le préconise le code de l’Environnement », argumente Marie Feuvrier.

« Nous ne sommes pas contre l’élevage de moules »

Cette militante a déposé plainte au nom de plusieurs associations dont elle est membre (Apeme, Eau et rivières, Sites et monuments) pour inciter l’État à faire respecter ce texte. « Nous ne sommes pas contre l’élevage de moules et nous en mangeons. Nous sommes opposés à sa forme intensive. Nous ne voulons pas que les erreurs de l’agriculture se reproduisent dans le milieu marin ».

« Locataires » de la baie où ils disposent d’un droit d’exploitation, les producteurs se défendent, évoquant la « neutralité carbone » de leurs élevages. « Nous avons mené une étude avec l’Inra en 2012. Les travaux scientifiques ont démontré que les moules avaient une capacité d’absorption de l’azote et du carbone, un peu comme une forêt », explique le patron de Mytilimer, avant de reconnaître. « Nous savons que nous avons encore des progrès à faire ».

Avec sa nouvelle usine, la société espère doubler son chiffre d’affaires d’ici 2027, notamment en chassant les moules du Chili et du Danemark des étals des supermarchés. Mytilimer promet dans le même temps de ne pas augmenter sa production. L’entreprise, qui va devoir recruter, prévoit aussi de travailler sur le recyclage de ses emballages, sur sa consommation d’énergie et sur la rationnalisation de ses flux logistique. 

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